Nommer un enfant n’est pas une mince affaire. Les traditions selon lesquelles un nom est donné à un bébé varient considérablement d’une culture à l’autre. En Indonésie, par exemple, les enfants sont souvent nommés selon leur ordre de naissance (Wayan, premier né, Made, deuxième, Nyoman, troisiéme, etc…). Dans une région du sud du Nigéria, les nouveaux parents attendent que le nom de l’enfant soit prononcé par les aînés de la famille. La tradition amérindienne permet à une personne de changer de nom tout au long de sa vie, en utilisant des descriptions de la nature qui peuvent varier de la naissance à l’âge adulte. En Amérique du Nord, pour la plupart, les parents parcourent des livres de prénoms et l’arbre généalogique pour trouver le prénom parfait, un prénom qui est beau, fort, peut-être unique et certainement mémorable. Ne nions pas que nous avons tous aussi une liste de noms bannis, une liste de noms de personnes que nous avons connues à un moment ou à un autre dont le nom nous fait encore frémir. En tant que société, nous comprenons l’impact qu’un nom a sur un individu, au-delà d’être simplement un identifiant. Dans le judaïsme, c’est bien plus encore.

Le thème des “noms” imprègne la paracha de cette semaine. Parachat Chemot commence par un récit des noms des tribus venues en Égypte. Cette répétition semble quelque peu étrange car nous venons de les entendre tous à la fin de Sefer Beréchit. Rachi explique qu’en répétant leurs noms, Hachem exprime son amour pour le peuple juif. Selon le Sfat Emet, tout comme chaque ange a un nom définissant la mission unique que lui seul peut accomplir – chaque Juif a son propre nom et doit aspirer à une spécificité propre à lui-même et s’efforcer de la découvrir. Hachem compare chacun d’entre nous aux étoiles, tant en nombre qu’en nom, qui illuminent l’obscurité du ciel nocturne. C’est avec une grande affection qu’il nous compte et répète nos noms.

Un peu plus loin, nous sommes présentés à deux sages-femmes courageuses, Chifrah et Pouah, qui ont défié le décret du Pharaon de tuer tous les premiers-nés mâles. Le Talmud enseigne que ces femmes étaient en fait Yocheved, la mère de Moshe, et Miriam, sa sœur (Sotah 11b). Chifrah a été ainsi nommée parce qu’elle embellissait (mechaberet) les nouveau-nés. Pouah a été nommée pour sa capacité de calmer les nouveau-nés lorsqu’ils pleuraient. Bien que les deux femmes étaient des prophétesses, elles sont nommées et louées pour leurs aptitudes à bien prendre soin des enfants. Le rabbin Yerucham Levovitz explique que les noms dans la Torah indiquent l’essence de la personne. En les nommant pour leur gentillesse et leur compassion dans leurs rôles de sages-femmes, la Torah souligne que ce sont ces caractéristiques qui ont fait d’elles de grands personnages.

Les noms des parents de Moshé sont curieusement absents de la paracha de cette semaine. Ils sont identifiés uniquement comme “un homme de la maison de Lévi” et “cette fille de Lévi” (Chemot, 2:1). Nous apprenons ensuite qu’il s’agit d’Amram et de Yocheved (Chemot, 6:20). Une explication pour cette omission serait de souligner que Moshé, un homme aux origines modestes, né d’un homme et d’une femme normaux a pu atteindre des hauteurs incroyables. C’était de ses propres mérites et talents qu’il a été digne de diriger tout Bené Israël. C’est d’ici que nous comprenons le sens des mots du Rambam : « Tout le monde peut être soit comme Moshé Rabbenou, soit comme Yeravam ben Nevat » (Hilchot Téchouva 5:2).

De plus, le seul nom par lequel Moshé est identifié dans toute la Torah est celui qui lui a été donné par la fille du Pharaon. Selon Vayikra Rabba, Moshé avait en fait plusieurs prénoms et le Midrach en énumère dix, y compris celui qui lui a été donné à la naissance par Yocheved. Partout ailleurs, cependant, il n’est appelé que Moshé. « Ki min hamayim mishitihu », Parce que je l’ai retiré des eaux (Chemot 2:10). Certains diraient que ce nom est devenu son destin, que Moshé lui-même consacrerait sa vie à tirer les autres du danger alors qu’il était lui-même sauvé.

Enfin, il est fait référence au nom de Hachem lorsque Moshé Lui demande : « S’ils me disent: Quel est son nom? que leur dirai-je? » (Chemot 3:13). À quoi Hachem répond : « Je suis l’Être invariable!… Ainsi parleras-tu aux enfants d’Israël: C’est l’Être invariable qui m’a délégué auprès de vous. » (Chemot 3:14). Hachem s’était révélé à Moshé Rabbenou, mais pas encore au reste du monde. Chazal enseigne que tant que les ennemis d’Israël existent, le nom de Hachem n’est pas complet.

Dans la tradition juive, nos prénoms révèlent le potentiel en nous tous et mettent en évidence nos meilleures qualités. Selon le Midrach, les parents ont en fait une inspiration divine lorsqu’ils choisissent un prénom, ce n’est pas arbitraire. Nos prénoms ne sont pas seulement ce qui nous distingue les uns des autres, c’est ce qui nous définit. En fait, le mot pour “nom” en hébreu, “chem” partage son chorech avec le mot pour “âme”, “nechama”. Nous savons également qu’un prénom a un pouvoir. En tant que tel, on peut se protéger des “mauvaises choses” en changeant de prénom (Roch Hachana 16b), comme nous l’avons vu lorsqu’Abram et Saraï sont devenu Abraham et Sarah. Le couple auparavant stérile a ensuite été béni d’un fils. Dans la tradition juive, le choix du nom d’un enfant est d’une importance capitale car le nom peut affecter l’avenir de cet enfant (Berachot 3b-4a), comme nous le voyons aussi dans Shmuel I (25:25) « il ressemble à son nom ».

Lorsque nous nommons nos enfants, nous le faisons avec des cœurs remplis d’amour, d’espoirs et de rêves quant à leur personnalité et leur potentiel. Cette semaine, notre communauté a subi une perte tragique. Il n’y a pas de mots pour décrire ce que nous ressentons et aucun moyen de donner un sens à tout cela. En concluant ce Dvar Torah, je ne peux pas penser à un nom plus divinement inspiré que Rinah Shira. En peu de temps avec nous, elle a véritablement apporté de la joie et de la musique à tous ceux qui l’ont connue. Son beau visage souriant restera à jamais dans notre mémoire.

Que sa famille trouve de la force en ces temps difficiles et que sa nechama ait une aliya.

Chabbat Chalom,

Dre Laura Segall
Directrice de l’école

 

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