Il y a quelques années, dans un talk-show, un psychologue donnait à des parents d’enfants d’âge scolaire des conseils sur la façon de protéger leurs enfants. À cette fin, il a partagé les résultats de l’expérience suivante: Le psychologue est allé au parc local avec une laisse de chien mais sans chien. Avec le consentement de leurs parents, il a approché des enfants pour leur demander de l’aide à retrouver son chiot perdu. Il a ensuite noté si les enfants avaient accepté d’aider ou non. Sur les dizaines d’enfants testés, un seul garçon de six ans a crié « non! » et a fui. Curieux sur ce marginal, il a interrogé les parents et l’enfant. Le petit garçon a répondu que sa mère lui avait dit de ne jamais partir avec un quelqu’un qu’il ne connaissait pas. La mère a avoué qu’elle lui répétait le message si souvent, qu’elle était sûre qu’il pouvait l’entendre lui parler même quand elle n’était pas là. L’expérience était effrayante, c’est le moins que l’on puisse dire, mais les résultats sont incontestables.
Parachat Vayéchev raconte l’histoire moche de la jalousie et de la rivalité entre les fils de Yaacov. Aigris par le traitement préférentiel apparent qu’il a reçu de leur père, les frères de Yosef le condamnent à mort. Réouven ne soutenait pas du tout leur décision. Lorsqu’il a entendu ce qu’ils prévoyaient, il les a convaincus au lieu de le jeter dans un trou. Son plan, bien qu’il ait échoué, était de retourner sauver Yosef et de le rendre à son père. Bien que beaucoup ait été écrit sur l’impulsivité du personnage de Réouven, il y a un autre aspect de ce récit qui mérite d’être souligné.
Sachant que Réouven n’est pas retourné pour son frère Yosef, la formulation du pasouk semble étrange : « Réouven l’entendit et voulut le sauver de leurs mains; il se dit: “N’attentons point à sa vie.” » (Beréchit 37:21) Si Réouven n’a pas en fait sauvé son frère, pourquoi la Torah le dit-elle? La même formulation est employée ailleurs (voir Aharon et Boaz), lorsque le comportement public de l’individu ne semble pas correspondre à la description de l’acte par la Torah.
Le Midrach commente que si Réouven avait su ce que Hachem allait dire à son propos, il aurait « certainement ramené Yosef à son père sur ses épaules ». Si Réouven avait su que D. Lui-même allait faire son éloge, il aurait fait ce qui est juste. Cependant il a hésité. Réouven s’est montré prudent dans ses actions, hésitant dans son récit des événements. D’une part, il s’oppose fermement à la décision de ses frères, mais d’autre part, il ne semble pas trop sûr de lui-même. Le rabbin Yissochar Frand suggère que Réouven n’était pas sûr que de s’opposer à ses frères était une bonne décision. Il convient de noter que la décision des frères de punir Yosef était fondée sur leur jugement à son égard comme rodef, un harceleur, une faute justifiant la peine de mort. Mais avaient-ils raison?
Le même Midrash déclare plus loin que « autrefois, une personne faisait une mitsva et le prophète l’inscrivait ». Parfois, face au ridicule ou à l’embarras, nous hésitons. Le rabbin Frand rappelle que « le prophète Malachie prédit une période, juste avant l’ère messianique, où les gens ridiculiseront ceux qui font des mitsvot », mais il suggère que « nous ne devrions pas agir avec hésitation lorsque d’autres nous accusent de ne pas être assez “modernes” ou “progressistes” ». Face à un défi à ses principes et à ses idéaux, Réouven a hésité et Yosef en a payé le prix.
Au cours des dernières semaines, en tant que parents et éducateurs, nous avons eu l’occasion d’écouter plusieurs professionnels parler des défis de l’éducation des enfants aujourd’hui. Qu’il s’agisse de fixer des limites et de surmonter l’anxiété, de l’importance de l’échec et de la compréhension des comportements à risque chez les adolescents, les professionnels semblent tous d’accord sur un sujet : l’importance de devenir la voix écoutée par nos enfants.
Il y a un dicton hassidique selon lequel « l’esprit et le cœur de l’homme ne sont jamais vides. S’il n’y a pas “d’eau” qui nourrit la vie, il y a “des serpents et des scorpions ” ». Il est de notre devoir, en tant que parents et éducateurs, d’inculquer à nos enfants, quel que soit leur âge, un sens fort de ce qui est bien et ce qui est mal. Nous devons nous assurer que, face à tout le “bruit” des médias qu’ils consomment, ils ne doutent pas de nos valeurs de Torah ou mitzvot ni de nos valeurs familiales pour qu’il n’y ait aucune hésitation lorsque ces valeurs sont contestées.
Nous voulons que nos enfants soient forts et sachent qui ils sont et ce qu’ils représentent afin de leur donner le courage de faire les bons choix, de se montrer forts même quand personne ne fait attention. De sorte que même lorsqu’ils sont seuls face à un grand groupe de pairs ou à un danger potentiel, nous savons qu’ils feront le bon choix.
Chabbat Chalom et Hanouca Saméah,
Dre Laura Segall
Directrice de l’école