Un été, lorsque j’étais adolescente, j’ai travaillé en tant que monitrice dans une colonie de vacances pour une groupe assez large de filles de l’âge de quatre ans. Il ne m’a pas fallu longtemps pour réaliser que toutes les petites filles aiment le rose, le violet ou une version rouge de tout. Il ne m’a fallu longtemps non plus pour apprendre qu’aucun paquet de papier de construction, de crayons de couleur, de feutres ou de cure-pipes ne contenait assez de roses, de violets ou de rouges pour satisfaire les jeunes filles.  La troisième leçon de l’été, acquise au cours de la première semaine, était que cela valait bien des cris et des pleurs. Et donc, j’ai présenté notre devise pour l’été: on a ce qu’on a et on ne s’en fâche pas! On chantonnait cette petite phrase chaque fois que l’on distribuait les fournitures de travaux manuels. Je ne sais pas si c’était la chanson, mais on ne pleurait plus. On plaisantait même sur les couleurs folles que l’on tirait de chaque paquet et on passait aux activités. Les enfants étaient super et prenaient plaisir au système dans l’ensemble, mais je mentirais si je disais que celle qui tirait la feuille rose ne recevait pas parfois des regards envieux. Dans l’ensemble, cependant, nous ne sommes pas très différents de ces petites filles. Ces paquets ressemblent plus à des emplois, des voitures, des maisons et des vacances et ceux que nous obtenons (ou pas) n’ont pas toujours l’air aussi agréables, aussi beaux ni aussi chers que ceux de nos voisins. La jalousie apparaît souvent dans toute son horreur et elle est parfois difficile à apaiser.

Dans parachat Yitro, les Bené Israël reçoivent les Dix Commandements, les Aseret Hadibrot, qui sont un aperçu général des principes de la loi de la Torah. Le rabbin Lord Jonathan Sacks explique que si les Dix Commandements sont traditionnellement représentés comme deux tablettes, l’une avec les lois entre l’homme et D., et l’autre avec les lois entre hommes, elles seraient mieux divisées en trois groupes de trois. Les trois premiers relatifs à Hachem, le second ensemble relatif à la création (le Chabbat, la création de l’univers, honorer nos parents qui nous ont mis au monde, et ne pas tuer, pour tout respecter puisque nous sommes créés à l’image de D.). Enfin, la troisième série de lois décrivant les règles de base de la société : ne pas commettre d’adultère, ne pas voler et ne pas porter de faux témoignage.

Cela laisse donc le dernier commandement : « Ne convoite pas la maison de ton prochain; Ne convoite pas la femme de ton prochain, son esclave ni sa servante, son bœuf ni son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain. » (Chemot 20:14). Le dixième commandement a suscité beaucoup de débats parmi les sages car il ne correspond pas tout à fait au moule des neuf premiers. La question souvent posée est de savoir comment on peut aller à l’encontre de ce qu’est la nature humaine de base.

Le Ibn Ezra explique que celui qui convoite ce que possède son voisin montre en fait un manque de foi en Hachem. Si l’on comprend que ce qu’on a vient de Hachem qui nous a donné tout ce dont on a besoin, le fait de convoiter implique que l’on n’apprécie pas ce qu’on a reçu et montre donc un manque de foi.

Le Rambam dans Hilkhot Gezeila Va-aveida suggère que « ne convoite pas » est un commandement destiné à nous protéger contre le vol, l’adultère et même le meurtre. Très souvent, ces crimes résultent du désir d’une personne de quelque chose qui ne lui appartient pas. Ce commandement se veut donc une protection pour la société.

Le Sefer Ha-hinoukh apporte encore un élément à la discussion. L’homme a la liberté de choix, non seulement en termes d’actions mais aussi en termes de pensées, d’intentions et d’émotions. Ce commandement souligne que nous avons le pouvoir et l’obligation de contrôler notre monde intérieur et de surmonter nos penchants parce que nous sommes libres.

Nous n’avons pas toujours la possibilité de choisir le rouge ou le rose. Nous ne pouvons pas tous conduire les plus belles voitures, vivre dans les plus grandes maisons ou porter des vêtements haute couture. Nous pouvons regarder les “riches” et nous sentir comme des “pauvres”, mais ce n’est pas là que se trouve la vraie richesse. Comme nous l’apprenons dans Pirké Avot, « Qui est riche? Celui qui se réjouit de ce qu’il a ». L’antidote à l’envie est la gratitude, écrit le rabbin Sacks. Trouver cette paix intérieure, cet endroit où nous faisons le bilan de notre santé, où nous regardons nos familles, nos enfants et nous nous sentons bénis, où nous apprécions le toit au-dessus de nos têtes et la nourriture dans notre ventre, c’est le véritable antidote à l’envie. Si un enfant de trois ans peut comprendre « on a ce qu’on a et on ne s’en fâche pas », Hachem nous commande d’aller au-delà. Il nous demande de nous réjouir de ce que nous avons, de regarder en nous-mêmes et de nous armer contre les inclinations contraires. Hachem nous ordonne de nous prendre en charge afin d’être véritablement libre.

Chabbat Chalom,

Dre Laura Segall
Directrice de l’école

 

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